Le plan pluriannuel de travaux est l’une des mesures les plus attendues par les professionnels de l’immobilier, dans le cadre de la réforme de la copropriété apportée par la loi ELAN. Initialement prévue pour faire partie de l’ordonnance Copropriété publiée le 31 octobre 2019, la mesure a finalement été retirée à la dernière minute, retoquée par le Conseil d’Etat pour inconstitutionnalité.
Pourtant, le gouvernement a assuré que ce plan pluriannuel de travaux, qui vise à éviter les reports de travaux en copropriété, serait finalement réintroduit dans le projet de réforme via un amendement. En quoi consiste exactement cette mesure, qui la défend et qui souhaite au contraire l’aménager ?
Alors que le projet d’ordonnance pour la réforme du droit de la copropriété a été adopté fin octobre 2019, comme prévu par la loi ELAN, la mesure du plan pluriannuel de travaux n’y a pas été inscrite. Il s’agissait pourtant d’une avancée assez significative, dont l’un des objectifs est de lutter contre les reports de travaux en copropriété. L’idée générale est en effet d’éviter la dégradation des copropriétés faute de travaux, tout en améliorant de façon globale la performance énergétique des immeubles.
Cette mesure prévoyait en fait la mise en place obligatoire d’un PPT, pour plan pluriannuel de travaux, au sein des copropriétés datant de plus de 15 ans. Ce PPT, chiffré sur 10 ans, est couplé à une obligation pour les copropriétés concernées de faire une provision annuelle sur un fonds dédié, s’élevant au minimum à 2,5% du montant global des travaux figurant sur ce plan pluriannuel. En fait, ce PPT devait être voté en assemblée générale, le montant sur 10 ans servant alors de base pour calculer le fonds à provisionner.
Ce dispositif a pour objectif de pousser les copropriétaires à réaliser un diagnostic technique global de la copropriété, la provision permettant de faire face plus facilement à ces dépenses nécessaires pour l’entretien de l’immeuble. En effet, le caractère obligatoire d’une telle mesure permettrait de dissuader la tentation des propriétaires à décaler progressivement les travaux coûteux à réaliser, ce qui peut avoir des conséquences graves sur les immeubles, comme par exemple des incendies mortels pour manque d’entretien.
Un certain nombre d’acteurs du secteur, en première position la FNAIM, Fédération nationale de l’immobilier, ont fortement poussé pour obtenir la mise en œuvre de cette mesure. La fédération estime ainsi que le PPT permet une meilleure anticipation des frais de travaux pour les copropriétaires, contribuant ainsi à lutter contre la dégradation des immeubles et à favoriser la rénovation progressive du bâti.
En anticipant des coûts souvent élevés, par la mise en place de ce fonds de travaux, les copropriétaires trouveraient en effet une façon de faire face à des dépenses nécessaires pour une copropriété, tout en préservant leur budget.
C’est également une façon habile de permettre une rénovation progressive et régulière du parc immobilier français, selon la fédération, qui représente les syndics de copropriété.
L’abandon au dernier moment de cette mesure pénalise ainsi les copropriétés dégradées d’après la FNAIM, dans lesquelles les copropriétaires préfèrent décaler les travaux copropriété , souvent faute de moyens, entraînant des risques pour l’immeuble.
Malgré une certaine convergence d’intérêts en faveur de l’application de ce PPT, des professionnels et notamment l’Association des responsables de copropriétés, ont été satisfaits du retrait de la mesure, qu’ils considèrent comme inaboutie, ou pour le moins présentant des incohérences.
Sans nier l’importance de faire réaliser des travaux de rénovation et d’entretien des copropriétés, l’ARC estime que cette version du PPT manque de réalisme face à la situation des copropriétés en France. En effet, le problème viendrait principalement du fait que 70% des copropriétés ont été construites avant les années 1970, et qu’elles n’ont pas engagé de travaux d’entretien depuis de longues années.
Dans ce cadre, le fait d’imposer un Plan pluriannuel de travaux sur 10 ans ne collerait pas à la réalité des aménagements nécessaires : ces copropriétés seraient dans l’obligation d’engager les travaux les plus coûteux sur les deux premières années, comme le ravalement de façade ou le changement de chaudière.
Ainsi, la copropriété se retrouverait à devoir financer plus de 50% du PPT sur seulement deux ans, et non pas sur les 10 ans prévus, en raison du manque d’entretien de ces dernières décennies sur les copropriétés datant d’avant les années 1970. Ce qui poserait logiquement des problèmes en matière d’équilibre budgétaire, d’autant plus pour les copropriétés les plus fragiles à ce niveau.
L’ARC préconise ainsi de développer ce PPT sous une autre forme qui prenne en compte les spécificités d’un certain nombre de copropriétés en France. L’idée pour l’association serait de permettre un entretien et une rénovation de ces copropriétés sans pour autant fragiliser leur équilibre financier. Pour cela, l’association estime qu’il faudrait jumeler la mesure à un plan de maîtrise des charges de copropriété.
Plusieurs raisons ont ainsi été avancées pour expliquer ce retrait de dernière minute de la mesure du Plan pluriannuel de travaux, notamment de la part de l’ARC.
La version finale de l’ordonnance qui a été publiée au Journal officiel du 31 octobre ne mentionne en effet pas le PPT, au grand dam des acteurs qui l’avaient soutenu. Alors que la mesure avait été approuvée par les professionnels de l’immobilier, mais également par des associations de consommateurs, plusieurs raisons expliquent son retrait de dernière minute.
D’après la FNAIM notamment, le PPT aurait finalement été retoqué par le Conseil d’Etat, qui aurait jugé cette mesure inconstitutionnelle. Le gouvernement aurait ainsi décidé de ne pas l’intégrer dans l’ordonnance, soit en raison d’un problème de constitutionnalité, soit directement par un refus du Conseil d’État. Le ministre du Logement, Julien Denormandie, en charge du projet, explique plutôt que la mesure n’était pas encore prête à être intégrée, sans évoquer d’éventuels problèmes d’inconstitutionnalité.
Selon l’Association des responsables de copropriété, le projet de cette mesure présentait deux limites importantes qui ont pu également expliquer ce retrait. L’ARC a évoqué le fait que ce PPT comportait le problème de ne pas engager le syndicat des copropriétaires, car voté en assemblée générale par les copropriétaires. De plus, n’étant pas fixé par un professionnel spécialisé des travaux, le PPT pouvait être limité par l’assemblée générale à seulement certains points d’aménagements moins urgents, ce qui pourrait faire perdre de vue l’objectif premier du dispositif.
Pourtant, malgré son absence dans l’ordonnance, le ministre du Logement s’est tout de suite engagé à ce que cette mesure phare puisse être réintroduite au plus vite par amendement.
Suite à la déception exprimée par les différents acteurs qui s’étaient impliqués dans le projet, en constatant l’absence de la mesure dans la réforme de la copropriété, la réintégration du PPT par amendement a été confirmée par le ministre du Logement. La FNAIM a ainsi affirmé qu’elle serait attentive à l’intégration de la mesure lors de la ratification de la réforme par le Parlement, qui doit intervenir dans les 3 mois suivant la publication au Journal officiel, ce qui laisse présager une date en ce début d’année 2020.
En effet, le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 15 janvier 2020, et c’est à cette occasion que les professionnels du secteur souhaitent débattre à nouveau et pousser pour l’intégration du PPT au sein de la réforme. Il est ainsi probable que la mesure soit légèrement revue, notamment en prenant en compte les remarques de l’ARC, afin d’apporter un dispositif pertinent, aussi bien pour l’entretien des copropriétés, mais également pour leur budget.
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