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Après la loi ALUR et la loi ELAN, place à la réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis. Une ordonnance parue au Journal officiel fin octobre, après avoir été approuvée en Conseil des ministres la veille, promet de poursuivre la modernisation de la gestion des copropriétés
L’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 comporte 42 articles. Objectif : réformer le droit de la copropriété, c’est-à-dire la loi du 10 juillet 1965 – un texte qui a plus d’un demi-siècle et auquel on doit le statut de la copropriété encore en vigueur aujourd’hui. Deux ministères sont impliqués dans cette ordonnance – la Justice et le Logement –, avec le concours du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, instauré par la loi ALUR et dont les compétences comprennent la copropriété depuis la loi ELAN.
Au-delà de cet organisme représentatif de la profession immobilière – au sein de laquelle figurent notamment la Fnaim et l’Unis –, ce sont aussi les associations de copropriétaires qui ont participé à l’élaboration de cette ordonnance.
Dans un esprit de « choc de simplification » cher au précédent président de la République, l’idée générale était donc d’assouplir le cadre légal de la copropriété dans les petites copropriétés, de faciliter plus globalement la gestion d’un immeuble et d’accélérer les prises de décision. Cette modernisation s’inscrit par ailleurs dans le prolongement de la loi ELAN, avec l’ambition aussi de favoriser l’entretien des immeubles et la prise en compte des enjeux de rénovation énergétique.
Toutefois, entre l’intention et la portée des mesures qui entreront en vigueur au 1er juin 2020, après l’examen d’un projet de loi de ratification attendu d’ici le début d’année prochaine, le retrait d’un point majeur de la réforme initialement présentée – le plan pluriannuel de travaux – a provoqué l’ire des professionnels de l’immobilier. Mais pas les représentants des copropriétaires !
Le 3e chapitre de l’ordonnance est clair sur ses intentions : « Adapter les règles applicables aux petites copropriétés ». Mais pas question pour autant de les sortir du régime unique de gestion de la copropriété ! Seuls les immeubles qui ne sont pas usage d’habitation sortent de ce cadre.
Par la voix de son président Jean-Marc Torrollion, la Fnaim a d’ailleurs salué ce maintien, qui écarte « le risque de créer un régime de copropriété à deux vitesses, qui aurait pu engendrer une rupture en matière de services proposés […] en les faisant sortir de la gestion professionnelle ».
Les petites copropriétés (jusqu’à cinq lots ou avec un budget prévisionnel inférieur à 15 000€) et celles qui ne comptent que deux copropriétaires vont en revanche pouvoir échapper « à certaines rigidités du dispositif de droit commun », comme l’obligation pour le syndicat de constituer un conseil syndical ou de tenir une comptabilité en partie double.
Sorte de « deuxième chambre » de la gouvernance d’une copropriété en soutien de l’assemblée générale des copropriétaires, le conseil syndical va se retrouver renforcé par la réforme de 2020. L’association des responsables de copropriété (ARC) déclare avoir « œuvré d’arrache-pied pour justement arracher de nouveaux pouvoirs au conseil syndical et à son président, notamment en matière de possibilité d’action judiciaire à l’égard du syndic en place ».
En premier lieu, le président du conseil syndical pourra être investi par l’AG de copro du pouvoir d’engager une action en justice contre le syndic en cas de carence ou d’inaction. Il pourra donc aller au-delà de sa révocation afin d’obtenir réparation.
Autre moyen coercitif à disposition du conseil syndical, la possibilité de réclamer des pénalités par jour de retard au syndic lorsque ce dernier tarde à transmettre des documents. Cette mesure de la loi ELAN sera complétée par cette ordonnance pour préciser que les pénalités devront être comptabilisées à la clôture des comptes.
C’est l’un des facteurs qui rendent complexe la compréhension du processus de décision en assemblée générale des copropriétaires. Les majorités ! Il en existe quatre principales, de la majorité simple à l’unanimité en passant pour la majorité absolue et la double majorité. La majorité absolue (article 25) nécessite par exemple la moitié des voix plus une de tous les copropriétaires, présents ou non à l’AG. Ce qui constitue une embûche pour valider certaines résolutions compte tenu du fort absentéisme qui clairsème les assemblées générales des copropriétés…
L’ordonnance prévoit une parade : si la majorité absolue n’est pas atteinte mais qu’un projet recueille au moins le tiers des voix, il est possible de procéder à un second vote en se fondant cette fois-ci sur la majorité simple (article 24), qui elle ne prend pour base que les voix des copropriétaires présents ou représentés à l’AG. L’ordonnance promet également de faciliter les modalités du vote par correspondance prévu dans la loi ELAN, mais qui attend toujours son décret d’application.
C’est la loi ALUR qui a introduit l’obligation de mise en concurrence du syndic de copropriété tous les trois ans par le conseil syndical. Une disposition permet néanmoins de dispenser le conseil syndical de cette obligation lors d’un vote de l’assemblée générale des copropriétaires, un an avant l’échéance prévue. L’ordonnance ne contrevient pas à « l’esprit » de la loi ALUR, mais elle entend conférer au conseil syndical la seule responsabilité de ce processus de mise en concurrence.
En clair, s’il ne respecte pas à la lettre la marche à suivre, cela ne remet pas en cause la validité du contrat de syndic, dans le cas par exemple où la mise en concurrence serait effectuée « hors délai ». Cela mettra le holà aux actions judiciaires en nullité de la désignation du syndic qui ont fleuri ces dernières années.
La mise en concurrence du syndic, mesure « sensible » de la loi ALUR qui avait été mal vécue par la profession, comportait une autre « zone grise » : la transition du sortant vers l’entrant. Il arrivait en effet que le syndic de copropriété destitué claquait la porte de l’assemblée générale ayant voté sa mise à l’écart avant même que cette dernière ne soit achevée ! Un évènement « vexatoire » qui pouvait entacher d’irrégularités l’AG en question, sans parler de la gestion administrative et financière subitement « en friche » jusqu’à la prise de fonction du successeur.
L’ordonnance du 30 octobre 2019 stipule que le syndic sortant sera tenu d’assurer ses responsabilités jusqu’au lendemain de sa révocation a minima. À charge pour lui de transmettre le PV de la dernière assemblée générale aux copropriétaires, et de faire passer à son successeur les archives de l’immeuble.
Le gouvernement promet que « cette ordonnance doit permettre aux copropriétés d’être mieux entretenues et de répondre aux enjeux de rénovation énergétique ». Le 4e chapitre entend ainsi « faciliter la réalisation des travaux d'intérêt collectif dans les parties privatives ». Concrètement, à partir du 1er juin 2020, un copropriétaire ne pourra plus faire obstacle à l'exécution de travaux d’intérêt collectif décidés en AG, même s’ils empiètent sur ses parties privatives.
À condition toutefois que ces travaux n’altèrent pas durablement « l'affectation, la consistance ou la jouissance » de ces parties privatives. Si ces travaux venaient à diminuer la valeur du lot, le copropriétaire impacté pourra réclamer une indemnité. Autre mesure liée aux travaux et présente dans l’ordonnance, la copropriété ne peut pas s’opposer à des travaux de mise aux normes handicapées sur les parties communes dès lors qu’ils sont réalisés aux frais du copropriétaire à l’origine du projet.
C’est le gros couac de l’ordonnance du 30 octobre 2019. Dans sa version initiale présentée en Conseil des ministres, elle comportait la mise en place obligatoire d’un plan pluriannuel de travaux (PPT) dans les copropriétés de plus de 15 ans. Mais le lendemain, jour de sa parution dans le Journal officiel, plus aucune mention du PPT !
Une mauvaise surprise pour les professionnels de l’immobilier qui s’en sont ouvertement émus. « Il aurait permis une plus grande anticipation pour les copropriétaires, notamment grâce à l’obligation d’abonder les fonds travaux à hauteur de 2,5% minimum du PPT » déplore ainsi le président de la Fnaim Jean-Marc Torrollion. « C'est dommage, parce que c'était l'une des seules mesures audacieuses » regrette pour sa part le délégué général de l'Union des syndicats de l'immobilier Géraud Delvolvé. Mais alors pourquoi un tel « bug » ? Il s’agirait d’un problème de constitutionnalité de la mesure, qui a conduit le Conseil d’État à la censurer.
Le seul à s’en « réjouir » c’est l’ARC, qui estime que le dispositif n’était pas mature et aurait imposé aux immeubles anciens de financer sur une courte période des travaux qu’il aurait été plus cohérent d’étaler sur une plus longue période, avec de lourdes conséquences financières pour les copropriétaires.
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